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baniere detectivarium

Guillaume &
Mikajoh

Les créatures fantastiques
du cimetière du Père Lachaise

empreinte

Il est des mystères que l’on peut à peine imaginer, et que l’on ne résoudra qu’en partie
Bram Stoker

En 1871, l’écrivain irlandais Bram Stoker, spécialiste des romans fantastiques inspirés par l’irrationnel, remonte le boulevard de Ménilmontant et s’engage avec ferveur dans l’entrée principale du plus vieux cimetière de Paris : Le Père Lachaise.
Très impressionné par la lecture du roman Carmilla de son compatriote Sheridan le Fanu, dont l’héroïne est une jeune femme vampire assoiffé de sang à l’exquise beauté, l’écrivain toujours en quête de mystères entourant les récits de ses amis écrivains britanniques relatifs aux défunts, fantômes et autres revenants pénètre dans le cimetière du Père Lachaise qui selon ses sources renferme des indices exceptionnels. Il remonte la grande avenue principale bordée d’arbres et ornée de tombes fleuries et bien entretenues jusqu’au carrefour du Rond point Casimir Perier. Il tourne ensuite à droite dans l’avenue des Acacias, cette fleur symbolisant l’éternité de la mort et de la résurrection. Quelques pas lui suffisent pour découvrir un petit escalier à la pente très raide, bercé par une atmosphère mélancolique ou les ifs et les herbes folles recouvrent de chaque côté des marches, les tombes envahies de mousse et de lierres dressées à flanc de colline.

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 L'entrée principale du cimetière
creative common, photo : Connie Ma

Il songe à Lord Byron qui a écrit des essais sur les créatures de la nuit et à Mary Shelley qui a inventé le roman fantastique avec son Frankenstein. Arrivé au sommet du plus vieux et tortueux chemin du cimetière parisien, le chemin des chèvres, il découvre un chef d’œuvre architectural baroque qui se dresse à plus de dix mètres du sol : le mausolée de la comtesse russe Elisabeth Alexandrovna Strogonoff-Deminoff, cette aristocrate russe exilée en France dont les auteurs de romans-feuilletons très populaires à l’époque victorienne ont immortalisé ce personnage dans leurs écrits en une mystérieuse et énigmatique Dame Blanche immortelle.

Stoker, à la vue de cette nécropole en marbre blanc qui surplombe le lieu de ces six colonnes gigantesques est impressionné par la taille de ce temple funéraire. Il se met à fouiller autour du monument en relevant toutes les traces gravées sur la pierre susceptibles de lui révéler les secrets que suscite la comtesse dans l’imagination de ces contemporains victoriens. Quelle est sa surprise quand il découvre les trois chiffres 8 gravés sur les parois du monument ! Comme le chiffe 666 est le nombre de la bête satanique associé à l’Antéchrist dans le nouveau Testament, Stoker en bon chasseur écrivain vampirique a lu de nombreux manuels relatifs à ces créatures de légende : le chiffre 8 est le chiffre fétiche des vampires. Trois 8 gravés sur une tombe indiquent à tout chasseur de morts-vivants, l’endroit où le vampire repose... Stoker continue son inspection et distingue sur les armoiries qui recouvrent le blason de la famille des Strogonoff, une tête de loup, cet animal qui selon les légendes roumaines est le serviteur du diable. D’autres symboles sont sculptés dans tous les recoins (hermines, belettes, hiboux), animaux de nuits ou vivant sous terre ainsi que des sculptures de marteaux de forge : les emblèmes du monde souterrain. Au centre du Temple, un nœud en marbre prône sur le mausolée : le nœud magique. Stoker est un érudit et comme tout gentleman-enquêteur qui se réclame du monde fantastique, il a étudié la mythologie et les religions liées aux croyances antiques. Il se souvient que chez les Grecs anciens, le nœud d’Héraclès reliait la vie à la mort. À chaque coin cardinal du temple se dressent des têtes de loups menaçantes, gardiens du temple de l’énigmatique sépulture de la comtesse Strogonoff-Dominoff. Les journaux ont consacré des articles entiers sur le testament de cette riche aristocrate. La comtesse a stipulé, en présence d’un grand notaire parisien, qu’elle verserait, après sa mort, un million de roubles en or à toute personne de la gent masculine qui descendrait les escaliers de son château mortuaire jusqu’à la crypte et s’allongerait toutes les nuits près de son cercueil taillé en cristal de roche pendant toute une année. Le jour, le serviteur de la comtesse serait libre de sortir mais dès la nuit venue, il doit veiller à côté du caveau de sa maîtresse.

 

Le testament de la comtesse russe a été diffusé dans un grand journal parisien et, depuis cette parution, des milliers de lettres ont été adressé à la direction du cimetière du Père Lachaise. Une dizaine de candidats à la veillée de la dépouille ont tenté l’expérience. Deux d’entre eux sont devenus fous après une semaine passée dans le temple-mortuaire.
Certains racontent qu’ils ont vu la comtesse sortir de son cercueil, d’autres que des chants venus de la chapelle mortuaire et des voix inhumaines les appelaient à l’aide. La légende du caveau maudit de la comtesse russe du Père Lachaise, depuis sa mort, fait couler beaucoup d’encre.


Le mausolée de la comtesse
Elisabeth Alexandrovna Strogonoff-Dominoff

creative common, photo : Coyau


Photo Pierre MEIGE (TDR)

Stoker n’a pas fini son enquête de chasseur de surnaturel. Il suit le Chemin du Dragon, cette allée très ancienne du Père Lachaise où les dalles en pierre sont recouvertes de ronces et les racines des arbres soulèvent les tombes. L’écrivain constate qu’il n’y a pas d’emblèmes religieux gravés sur les monuments. Des chauves-souris, hiboux, têtes de morts, ossements sculptés sur les chapelles et les entrées des caveaux entretiennent le mythe vampirique de ce chemin, renommé par le personnel du cimetière : l’allée du fantôme…

Stoker s’arrête devant une chapelle mortuaire où prône un aigle royal. Dans ses serres, l’oiseau tient une croix et un pieu, l’arme qu’utilise les chasseurs de vampires pour détruire la bête en lui enfonçant sa pointe dans le cœur avant son réveil à la pleine-lune. Un peu plus loin, sur la pierre, un dragon orne le blason de la lignée princière. Sheridan le Fanu, spécialiste des légendes recouvrant l’Europe de l’est et tout particulièrement celles issues de la région des Carpates, lui a parlé d’un prince médiéval de Transylvanie, Vlad Dracul, qui au XVe siècle se rendit célèbre pour sa cruauté et ses pratiques sanglantes et terrifiantes contre l’ennemi turc. Un de ses descendants, prince de Valachie de 1843 à 1848, Georges Bibesko, a fui son pays après l’occupation de la Valachie par les Russes et s’est exilé à Vienne puis à Paris. Il serait enterré depuis 1857 dans une allée du cimetière parisien.

En redescendant les allées et chemins aux décors tortueux recouverts de chauve-souris et autres créatures frissonnantes, Bram Stoker ne savait pas encore que son futur roman qui lui demandera plus de dix années de travail intense sera considéré par les millions de lecteurs du monde entier comme la Bible du vampirisme.
Voltaire, un siècle plus-tôt, dans son exil en Angleterre, avait ressenti, en l'attaquant, ce goût passionné pour le surnaturel qui recouvre l’identité anglo-saxonne. Il traite des vampires dans une entrée de son Dictionnaire philosophique (1764) suite à l'ouvrage d'Augustin Calmet sur cette question.
S’il y a un sujet qui est bien réel, c’est cette peste vampirique qui affecte l’Europe (Voltaire).


Photo Pierre MEIGE (TDR)

Le savais-tu ?

L'allée du Dragon a été nommée en hommage au Voïvode Bibesco qui appartenait à l'Ordre du Dragon de son pays ! Le Dragon et Drakul aurait les mêmes significations, l'un en Français, l'autre en Valaque.
Autrement dit, on a Dracula en plein Paris...

 
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